20 Ans Auprès de Compagnon le Diabète (Noces de Porcelaine)

20 ans. Qui l'eût cru.

Cela semble une éternité, quand on y réfléchit bien, quels que soient les 20 ans.

20 ans depuis l'annonce du médecin dans cette chambre d'hôpital.

Je n'avais que douze ans. Je ne parlais pas encore bien allemand et le médecin avait employé des mots simples pour m'expliquer de quoi il en retournait. C'est bien simple: il était allé droit au but et sans prendre de gants (dois-je préciser qu'il était allemand...?): "Nous avons analysé tes résultats d'examens et avons découvert que tu as le diabète."

Le diagnostic m'est apparu tellement sombre que je n'ai pratiquement plus entendu le reste.

À l'époque, je croyais que les diabétiques étaient des êtres condamnés. Je vous raconte pas l'effroi.

Mais j'ai sagement continué à écouter le discours du médecin.

Pour résumer: "Nous allons te garder deux semaines et te montrer comment faire face à cette maladie pour laquelle il n'existe pas de guérison jusqu'à présent, mais qui se soigne et avec laquelle on peut vivre normalement."

Mouais. J'ai commencé à découvrir le chapitre des contraintes à vie anormales le jour suivant et ses répercussions psychologiques les années suivantes.

N'empêche, je dois lui donner raison sur pas mal de points. Je suis toujours en vie et le progrès des traitements médicaux y est pour beaucoup. Et ce, malgré les contraintes. Car, sans insuline, je ne serai pas même en mesure de me plaindre ici des contraintes du diabète. Je ne serai plus là tout court.

Donc, 20 ans de hauts et de bas, à dire vrai, plutôt des moments sans histoires et d'autres plus problématiques. L'insuline étant une hormone, il suffit de toucher sensiblement au dosage pour voir les répercussions physiques et psychiques. Si les doses ne sont pas correctes, pas besoin d'appareil magique ou de devin, mon brusque changement d'humeur me le fera savoir. De même, si je suis mal lunée et avec le moral aux chaussettes, il y a de grandes chances pour que le traitement en subisse des conséquences et ne provoque pas l'effet escompté. Un combat à mi-chemin entre les maths et la philo.

Ces 20 ans ont donc été loin d'être un long fleuve tranquille... En 2003, j'ai eu droit à une acidocétose (processus découlant d'une carence aigüe en insuline) suivie d'un coma diabétique dans lequel j'ai été plongée durant quarante-huit heures. Épisode difficile que j'ai mis longtemps à surmonter, car il ne suffit pas de se réveiller, même si c'est déjà ça!

J'ai failli rater le tournant et tomber du haut de la falaise, mais on m'a rattrapée à temps. Ouf.

Je devrais dire que ça m'a servi de leçon. Mais je ne préfèrerais pas, car on ne tire malheureusement pas toujours les leçons de notre passé, dans la bonne mesure. On va plutôt dire qu'un des seuls points positifs est que l'épisode laisse des cicatrices qui vous empêchent d'oublier et qui vous accompagnent à jamais.

Que d'aventures. Comme vous le voyez, on n'aura pas vraiment eu le temps de s'ennuyer, au cours de ces vingt dernières années.

Insuline Humalog, l'incarnation du progrès de la médecine.

Parole de diabétique!

Comments

[Laura]

C'est sûr, Charlotte, il faut bien faire avec! Mais il reste une maladie avec laquelle on peut tout de même vivre, et c'est déjà rassurant!

[Charlotte]

J'avoue ne pas savoir grand chose sur le diabète et je suis tellement triste de voir tout ce que tu as vécu. C'est une belle saloperie... qui devient ta force !